En étant d’abord
ensemble parent et enfant, sur les lieus de l’accueil, c’est-à-dire chez
l’assistante maternelle. C’est ce qu’on appelle couramment
« l’adaptation progressive » qui doit permettre à l’enfant de prendre appui sur
la présence des parents dans cet univers étranger pour surmonter la séparation
ultérieure.
Ici encore, ce qui est
à prendre en considération n’est pas strictement la durée ou le nombre des
rencontres préparatoires, mais la qualité des échanges et de liens qui s'y établissent : paroles, observations à se transmettre sur les goûts et besoins de
l’enfant, mais aussi partages de gestes et de mots à l’occasion d’un change,
d’un repas, du sommeil ou du jeu de l’enfant.
Il
doit être prévenu et informé
La séparation doit être
annoncée à l’enfant, les éventuelles difficultés reconnues et verbalisées.
Tous les enfants, même
et surtout les nourrissons, doivent être informés, c'est-à-dire savoir
les raisons de cette séparation, sa durée, son organisation. Ils doivent
entendre le nom ou le prénom de la personne qui va les accueillir, qu’ils
ne confondront pas avec un membre de leur famille.
Il est indispensable de
leur expliquer que cette personne exerce un métier d’accueil,
c'est-à-dire qu’elle est payée pour faire ce travail, même si elle est aussi
maman d’autres enfants dont elle s’occupe dans le même lieu et dans le même
temps.
On présente aussi à
l’enfant le conjoint de l’assistante maternelle, les autres enfants accueillis
et leurs parents.
Toutes ces distinctions
clairement établies vont permettre à l’enfant d’organiser et d’intégrer ces
nouvelles données sans mettre en danger le développement de son identité.
Accueillir tous les matins
Une fois les premières
séparations aménagées et réalisées, il ne faudrait pas négliger la réalité
quotidienne des séparations. En effet, si l’on n’y prend pas garde, celle-ci
peut très vite se réduire à l’arrivée des enfants le matin et à leur départ le
soir, sans considération pour les émotions aux quelles sont soumis enfants et
parents.
Accueillir chaque matin
l’enfant de quelqu’un d’autre n’est pas si simple dans la mesure où
régulièrement se rejoue l’épreuve de la séparation.
Il y a les parents
pressés et ceux qui ne peuvent pas partir, ceux qui reviennent et ceux qui
partent en cachette. Il y a aussi ceux qui savent accompagner et accepter le rituel
nécessaire à l’enfant. Celui-ci par exemple, se rend dans une pièce ou dans
plusieurs, va toucher ou chercher un objet, revient vers le parent, s’en éloigne
à nouveau……Ce comportement permet
à l’enfant de maîtriser la situation et de signifier que maintenant il est
prêt à se séparer
L’assistante maternelle
doit elle-même veiller à ne pas imposer à l’enfant un comportement particulier
mais respecter l’établissement progressif de rites personnels par lequel il
organise la séparation.
Elle invitera alors les
parents à observer cet enchaînement de comportements, à y saisir le sens, et à
soutenir leur enfant dans ce moment délicat. Ce dialogue favorise l’ajustement
des comportements parentaux à la demande de l’enfant.
Que la séparation
s’effectue rapidement ou prenne un peu de temps, que les manifestations soient
visibles ou très discrètes, l’essentiel est que chacun se sépare en sécurité.
Ce processus comporte
bien des variantes des évolutions d’un parent d’un enfant a l’autre. Il n’y a
donc pas de règle absolue.
Néanmoins, le rôle
d’accueil de l’assistante maternelle se fonde sur quelques repères bien précis.
Des
paroles plutôt que des baisers
L’assistante maternelle
a un rôle difficile à jouer : présence, disponibilité mais aussi
neutralité face à la relation du parent et de son enfant. Elle ne doit
pas déposséder les parents de leur enfant par des attitudes verbales ou corporelles
trop interventionnistes, ni imposer à l’enfant, dès son arrivées, une proximité
physique ou affective dont il n’est pas demandeur.
Elle préfèrera
tisser le lien en respectant la distance nécessaire : ni embrassade
systématique, ni portage lorsque l’enfant est en âge de marcher, mais des
paroles qui saluent, qui accompagnent et acceptent les émotions manifestées par
l’enfant, rires et sourires, joies, mais aussi pleurs, colère ou tristesse.
Ces paroles si elles
sont vraies, si elles parlent à l’enfant et non de l’enfant, sont alors
compréhensives et compréhensibles.
S’il s’agit d’un
nourrisson, c’est jusque dans le geste de portage que se manifeste le respect
de son identité.
Dés l’arrivée du bébé
qui vient de lui être remis dans les bras. L’assistante maternelle lui offre la
possibilité d’accueillir à son tour si le portage accepte la distance
corporelle nécessaire à un face à face.
Cette liberté assurée à
l’enfant, à l’opposé d’un corps à corps trop contraignant, privilégie des
interactions plus authentiques entre l’assistante maternelle, l’enfant et le
parent.
Il a
besoin de son « doudou »
Les enfants sont très
souvent attachés à leur sucette, pouce dans la bouche chiffon, « doudou » ou
peluche.
Ces objets dits
« transitionnels » jouent un rôle rassurant et doivent absolument
être laissés à la libre disposition de l’enfant.
Pourquoi ?
Parce que cet objet
représente sans doute sa mère. En tout cas, il y est symboliquement associé, en
souvenir du temps de la symbiose mère enfant. L’enfant y aura recours dans
toutes les situations où plane la menace de perdre continuité et sécurité :
séparation, changement, difficultés rencontrées, approche du sommeil (qui est
aussi expérience de séparation).
Il sait mieux que
quiconque quand est-ce qu’il a besoin du réconfort que lui procure cet objet.
S’il refuse
continuellement de le lâcher, il faudra en chercher la raison plutôt que de le
contraindre à y renoncer.
Mais dans la plupart
des cas, cet objet consolateur, toujours le même, restera soumis aux va
et vient de l’enfant, à ses allers retours entre la maison et l’assistante
maternelle.
Il constitue un
repère précieux pour l’enfant, un lien concret entre la réalité intérieure et
la réalité extérieure.
Les
retrouvailles du soir :
une situation
quelquefois complexe
L’organisation de la
journée, la succession régulière des séquences de la vie quotidienne ; arrivées
et départs, mais aussi repas, couches, changes, sorties, retours, etc...
contribuent à assurer la stabilité dont l’enfant à besoin. La encore, les
paroles explicatives de l’assistante maternelle, pour accompagner ces divers
changements, inscrivent toutes ces « micro ruptures » dans une continuité.
C’est ainsi que tout
petit est aidé à construire progressivement la continuité psychique de son
être à travers l’inévitable discontinuité des situations quotidiennes.
Enfin, le soir,
l’enfant quitte le domicile de l’assistante maternelle pour retrouver ses
parents et sa maison. Contrairement à ce qu’on pourrait supposer, se
retrouver n’est pas si simple….
En effet, il arrive
fréquemment que le retour du parent réactive chez l’enfant l’épreuve de la
séparation.
Les retrouvailles
imposent à l’enfant, et même quelquefois aux adultes, un travail de
« recomposition » intérieure.
En fait, c’est lui-même
qu’il essaye de retrouver, confronté à une sorte de dilemme : « moi-ma maman,
moi-mon assistante maternelle…. Moi-ma maman… qui suis-je ? » Cette question
impossible à dire, cette angoisse de morcellement sont alors formulées dans un
comportement ambivalent qui met souvent le parent en difficulté.
Parfois ce sont des
cris, des pleurs ou des tensions qui se manifestent, parfois, selon l’âge de
l’enfant, ce sont des attitudes de fuite, souvent après un premier contact
physique avec le parent qui vient d’arriver.
D’autres enfants
semblent ignorer la présence du parent….. chez les plus jeunes, on assiste
quelquefois à un évitement du contact corporel ou visuel : le bébé tourne la
tête et raidit son corps.
Chez les plus grands,
ce sont l’excitation motrice, les transgressions d’interdits qui font
bien souvent dire aux assistantes maternelles :
« Dés que sa mère
arrive, lui qui était si gentil, il devient insupportable… ».
Que faire ?
Prendre garde aux
interprétations réductrices, aux jugements en termes de « méchant » ou
« gentil » qui ne feraient que développer, chez les parents la rivalité et la
culpabilité, et chez l’enfant, le sentiment d’être incompris.
L’enfant a besoin d’un
peu de temps pour créer un lien entre les différents moments de sa vie. Lui
accorder ce temps, inviter les parents à observer l’enfant, à tenir compte de
ses réactions, lui parler, l’écouter, c’est le considérer comme un sujet et non
que l’on « prend » le matin, pour le « récupérer » ou le
« rendre » le soir, sans aucun égard pour ses émotions.
Ce temps, c’est aussi
celui de l’accueil des parents, du partage de l’interdit pour l’enfant où
l’authenticité des échanges ne manquera pas de participer à la qualité des
retrouvailles. L’enfant bien « réuni » va alors pouvoir vivre à la maison, avec
ses parents, des heures pleines et aborder le sommeil avec sérénité. Ce temps des
retrouvailles, cependant n’est pas sans limite. C’est celui d’un départ et d’une
nouvelle et nécessaire séparation.
Quelquefois,
l’assistante maternelle aura le rôle difficile de mettre un terme à certain
« débordements » dans la mesure où ils pourraient devenir chroniques :
bavardages excessifs, confidences personnelles, installation d’un parent qui ne
sait plus partir…
Ici, l’intérêt de
l’enfant n’est plus en jeu, il faut alors rappeler les limites professionnelles
d’un contrat dans lequel l’assistante maternelle ayants bien rempli sa mission,
dispose à son tour du droit de se séparer et de se retrouver avec elle-même ou
avec les siens.
Se séparer, c’est apprendre à grandir
La séparation physique
et le changement matériel n’aident pas en eux-mêmes l’enfant à grandir.
La conquête de
l’autonomie ultérieure repose sur la création de liens symboliques qui relient
les situations, les personnes, les lieux et les temps. Ce type d’accueil n’est
pas simple. Il exige de l’assistante maternelle réflexion, remises en question
et formation. Il constitue alors pour l’enfant un lieu de vie, de socialisation
et de préparation à de nouvelles séparations. Solidement relié à lui-même et à
l’autre, l’enfant devient de plus en plus capable de se séparer, de créer par
lui-même de nouveaux liens, de s’aventurer, de découvrir le monde et de quitter
son assistante maternelle…
Un départ qui laisse
des traces
et qui fait grandir…
N’ignorant pas le
danger des ruptures pour l’équilibre des jeunes enfants, l’assistante
maternelle, sauf cas de force majeure, se révèle fidèle à l’engagement moral lié
à sa profession. Elle a donc souvent accueilli l’enfant pendant plusieurs années
avant que n’arrive le moment du départ définitif précédant l’entrée à l’école
maternelle.
C’est alors au tour de
l’assistante maternelle de grandir en faisant un deuil quelquefois
douloureux.
Elle aussi gardera,
au-delà des photos et des souvenirs, des traces psychiques de sa rencontre avec
l’enfant, traces vivantes qui aident à vivre, à se séparer, et à se retrouver
soi-même, enrichie et disponible, pour de nouvelles aventures
d’attachement et détachement.